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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"
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« L’espoir, c’est de la bonne graine, celle qui fait fleurir les lendemains » de Marie Agullo

L’Espoir

On se dit : A quoi bon écrire ? Ce que je pense et ce que je ressens aura forcément déjà été écrit et bien mieux, par quelqu’un d’autre. Et puis un matin, on se décide, parce que la première neige de la saison ressemble à la page blanche, parce qu’un frisson d’angoisse remplace la douceur de l’automne qui s’est attardé, plus que les feuillages. Parce que le rouge têtu des géraniums qu’on a laissé vivre en terrasse fait une tache de sang sur la neige. Parce que la veille une longue panne d’électricité a permis à la nuit de recouvrir le jour , que la pauvre bougie a fait reculer le temps, que l’inutilité de l’ordinateur et du téléphone a subitement éloigné parents et amis, les a rendus absents. Parce que nos enfants meurent.

Ma génération ne connaît l’horreur que par les livres. On pensait qu’il suffisait de

témoigner pour que ne se reproduisent jamais les barbaries des siècles passés. On pensait que le monde de la terreur, de la famine, de la guerre, de toutes les violences connues, même celles qui fuient notre imagination de privilégiés, notre imagination de personnes sensées, notre imagination de croqueurs d’écrans, était encore éloigné dans l’espace et serait vaincu avec le temps. On pensait que notre façon de vivre et de comprendre le monde, notre façon d’aimer et de vouloir être heureux, étaient contagieuses et prévaudraient partout parce que l’école, parce que les nouvelles technologies, parce que la science, parce que le bon sens…
On pensait détenir la connaissance, le pouvoir, la volonté. On pensait diriger l’avenir. On regrettait seulement de ne pas aller plus vite vers le progrès matériel et moral pour tous, de ne pas être capable d’éradiquer partout la souffrance, de gaspiller notre planète, de se laisser dominer par les puissances de la finance, de préférer le confort et le quant à soi à la fraternité des nourritures collectives, de constater la difficulté d’enseigner, de voir reculer toujours l’horizon utopique de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Mais cette utopie était notre raison de marcher et fléchait notre direction. Et tout cela nous paraissait juste et nécessaire.
Nous n’étions pas d’accord sur la manière de fabriquer ce que nous pensions être le bien, le bonheur de l’humanité. Nous souffrions de voir se rapprocher de nos portes tous les mendiants de l’amour et du pain, nous avions peur des révoltes possibles des laissés pour compte, des victimes de la violence des riches, des oubliés de la société de la réussite.
Nous craignions l’ignorance et le repli de l’intelligence vers des idées simplistes et dangereuses. Nous nous indignions. Nous nous sentions impuissants. Et ce n’était déjà pas facile de s’empêcher de récriminer, de se lamenter, de dénigrer.
Déjà nous avions tendance à vivre sans confiance.

-p-image-24037-grande

Mais aujourd’hui, notre univers a changé de repères. Nous risquons de découvrir ce

qu’est une République policière et militaire, obligée de montrer et d’utiliser ses armes pour sécuriser le quotidien. Nous acceptons sans regret, sans discuter, que des lois liberticides soient pensées et appliquées pour nous protéger de la folie meurtrière de certains fous de Dieu qui le révèrent et le servent comme si Dieu était Le Diable lui-même. Les Messies de la Haine se sont emparés de pauvres âmes humaines qui nous contraignent à l’usage de la force totale pour lutter contre la destruction implacable de tout ce pour quoi nous vivons. Nos enfants tuent nos enfants.
N’achevons pas le massacre commencé. C’est parce que nous devons répondre à tant de violence par la violence, que nous devons à tout prix frapper sans haine. Et continuer à apprendre, à parler, à écouter, à aimer, à rire, à chanter, à danser, à manger, à réfléchir, à travailler, avec tout le monde, ceux qui nous ressemblent et ceux que nous méconnaissons.
Alors nous pouvons convoquer tous les passeurs d’espoir. Ceux qui dans toutes les périodes troublées ont trouvé les mots qui maintiennent debout et ensemble. Je pense à tous les auteurs, les chanteurs, les poètes, les hommes et les femmes de l’Histoire, de la nôtre et de celle des autres que nous ignorons. Je pense à tous ceux connus ou inconnus qui savent parler à notre intelligence et à notre cœur. Rouvrons leurs livres, écoutons leurs poèmes, dansons leur musique, regardons leurs films, cuisinons leurs recettes. Et échangeons-les. Dans toutes les maisons il y a forcément un écran, une page, un instrument, n’importe quel objet qui fait du bien parce qu’il sert à communiquer de la tendresse et de la compréhension.
Avant d’ouvrir la porte de notre maison, surtout si nous savons bien que ça nous ne saurons pas, nous ne pourrons pas le faire, ouvrons notre esprit à tout ce qui exprime de la bonne humanité, celle qui attendrit notre cœur, fortifie notre corps et renforce notre volonté.
Je regarde aujourd’hui les colonnes de migrants. Je pense à l’exode de 40, aux balles qui sifflent dans le début du film « Jeux interdits ». Je me dis que ce sont les mêmes malheureux.
Hier, c’étaient nous. Aujourd’hui, c’est eux. Et demain ?
L’espoir, c’est de la bonne graine, celle qui fait fleurir les lendemains.
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