Pour lui ce sera whisky, pour moi bière. Ryad, je le rencontre à Paris dans le bel hôtel particulier de la SGDL où je croise aussi deux compères fabuleux avec lesquels on rit de se voir si beaux en ce miroir sans reflet. Belle soirée, et on parlera longuement au retour avec Ryad inquiet que je rentre seule. D’Algérie, de Mathématiques, de Littérature. Je crois que c’est la première fois que je rencontre un gentleman algérois. On se revoit quelques mois plus tard à Blois, l’homme traine avec lui une rage de dents qui le cloue en faux stoïcien grevé d’analgésiques. C’est après que je lirai le magnifique : Les yeux de Mansour. Ce roman commence par une scène terrifiante : une décapitation que l’écrivain va garder en suspension, le temps de remonter aux causes de la situation. La beauté de ce texte tient à la construction romanesque mais aussi au caractère énigmatique des personnages dans cette Arabie Saoudite où tous les paradoxes narrent la munificence et la décadence arabes. Sans faire de leçon politique, Les yeux de Mansour dessine en soubassement les échecs d’une histoire marquée par l’humiliation d’une colonisation à la lumière des hypocrisies contemporaines quand les puissances économiques uniformisent les modèles culturels tout en hurlant à l’exception, la singularité religieuses. La beauté de ce livre fonctionne en dédale amoureux, et la part du désert, du mysticisme donnent des pages d’une force incroyable, sans doute mes pages préférées. Un grand et beau livre.