Impressions sur Phèdre(s) 514 par Denys Couturier
Le -s du titre prend tout sens à la fin du spectacle lorsqu’Elisabeth Costello, héroïne de J.M Coetzee s’interroge sur le rôle et l’existence des dieux face aux mortels humains que nous sommes : finalement, nous sommes les plus nombreux mais aussi ceux qui ont le moins de valeur.
En enchainant trois figures féminines, qu’Isabelle Huppert transcende de son jeu si particulier alternant folie hystérique et contrôle de soi glaçant, Krzystof Warlikowski s’interroge sur la figure mythique de Phèdre non pas tant sur les caractéristiques premières du mythe mais plutôt à partir de ce que cette femme monstrueuse nous dit de nos tabous.
Le metteur en scène s’appuie sur les textes de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et JM Coetzee, ce qui lui permet de mêler les époques et les contextes pour atteindre une forme d’universalisme. Alternant sordide pesant et parfois gratuit ( le milieu du spectacle s’appuyant sur la version de Sarah Kane) et invectives sublimes (les dernières répliques préparant l’apparition du fameux aveu racinien tant attendu), Isabelle Huppert se transforme, s’enlaidit, se met à nue (au propre comme au figuré) proposant ainsi une variété de tons et d’émotions qui lui permettent de poser questions simples mais existentielles sur notre foi, nos désirs bridés par une société coercitive.
Lorsqu’elle vient saluer, après 3h30 de performance (le mot prenant tout son sens ici) le spectateur reste stupéfait de constater que c’est cette silhouette mince et fragile dans cet ensemble noir élégant qui a accompli un tel exploit …digne d’une héroïne mythologique.
Emission d’Augutin Trapenard sur France Inter : Emission du 30 mars 2016.
Une analyse et une vidéo sur un blog de France 3 Auvergne.