De l’humour dans un monde de brutes- par Denys Couturier
De l’intérêt de relire Pierre Desproges…
Disparu il y a plus d’une vingtaine d’années, la verve de l’humoriste reste encore d’actualité, d’autant que plusieurs humoristes contemporains (dont le cinglant Gaspard Proust) revendiquent leur parenté spirituelle avec l’auteur des Chroniques de la haine ordinaire. Voici donc quelques bonnes raisons de se replonger dans la lecture de Vivons heureux en attendant la mort ou encore Manuel du savoir vivre à l’usage des rustres et des malpolis: (Tous édités dans la collection Point Seuils, allez-y
-Desproges n’épargne rien ni personne: célébrités, médecins, militaires, religieux, fonctionnaires…
Et même si les références à l’actualité et aux célébrités des années 80 peuvent paraitre datées, la critique formulée reste valable et il est facile de trouver des noms dans l’immédiate actualité pour remplacer ceux qui nous paraissent obscurs tant l’auteur a su saisir une forme de vérité des
-La richesse de l’observation desprogienne consiste à synthétiser dans un même mouvement l’universel et le singulier. Dans des formules brèves, à la manière d’un La Bruyère, Pierre Desproges fait de l’art de la concision une arme efficace pour nous faire grincer et réfléchir « J’aime bien les histoires qui finissent mal. Ce sont les plus belles car ce sont celles qui ressemblent le plus à la vie. »
-En ces temps de replis communautaires et de tensions religieuses, relire Desproges peut être tout à fait salutaire. Tournant en dérision toutes les religions, l’humoriste invite l’homme à penser par lui-même tout en ayant conscience de la difficulté de la tâche: « Vanitas vanitatum et omnia vanitas », disait l’ecclésiaste qui avait oublié d’être con, sinon il aurait jamais pu être ecclésiaste ».
-Enfin, et surtout, Desprogres reste drôle. Multipliant les références culturelles, réinterprétant certains mythes littéraires, de la Genèse dont le serpent est « laid comme un concerto de Schӧnberg, grimé en vipère commune » à la « véritable » histoire de Robinson et Vendredi dans laquelle l’homme sauvage a peur de l’anglais parce qu’il est justement anglais, l’humour desprogien entretient sans cesse une connivence étroite avec un lecteur complice et ravi.
Alors, relisons Desproges et rions!
Denys Couturier
Notes : tous les extraits cités proviennent du recueil Fonds de tiroir, éditions du Seuil, avril 1980.