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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"

Neuf Mouvements pour une Cavale de Guillaume Cayet : « Les paysans ne meurent pas, on les efface. Mais qui tue ? »

Neuf Mouvements pour une Cavale

Ecrit par Guillaume Cayet

Mis en scène par Aurélia Lüscher

Avec Fleur Sulmont

 

« Les paysans ne meurent pas, on les efface.  Mais qui tue ? »

 

J’ai bien fait d’arriver en retard, j’ai demandé, vous attendez quelqu’un, elle n’attendait personne, c’était un siège pour son manteau, du coup, j’étais devant.

Neuf mouvements pour une cavale est un monologue où s’intersticent des voix offs, voix d’agriculteurs d’outre-tombe ou d’outre-monde, certainement d’outre-terre.

Le monologue est celui d’une sœur qui raconte son frère. Le parallèle avec Antigone sera fait- évidemment- mais ce n’est pas la force de ce texte que ces références mythologiques attendues.

La force tient au fait, la force tient au lapidaire, à ces moments d’écriture où la factualité radicale pousse la violence administrative, la violence policière dans ses retranchements.

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La sœur interprétée par Fleur Sulmont est une petite sœur longiligne, aux cheveux presque rasés, chemise à pois et petite chaussure, elle est avocate, elle est frêle sans être fragile. Emue sans trop de lyrisme. J’ai beaucoup aimé sa radicalité factuelle quand elle fait le récit de la cavale.

Le fait-divers est banal, parce que la mort des petits est devenue banale, parce que la banalité de la mort ne concerne que les sans nom. D’ailleurs les personnages n’ont pas de nom.

Le fait divers oui : Le 11 mai 2017, après un contrôle sanitaire, un paysan, Jérôme Laronze, 36 ans, prend la fuite. Le 20 mai après neuf jours de cavale/chasse à l’homme, un gendarme le tue de trois balles dans le dos.

En neuf mouvements, la sœur interroge et met en lien ce que l’esprit ne veut pas mettre en lien, le fait que tout fait est politique. La mort de son frère est politique.

« Est-ce que le consommateur il y pense à mon frère ? »

Le consommateur, c’est celui qui veut manger pour pas cher, parce qu’il n’a pas le choix, et c’est au nom de ce consommateur virtuel et réel que les normes agricoles assassinent la terre, les paysans et les consommateurs. Parce que les petits prix ce sont pour les repas des écoles publiques, les hôpitaux et les Ehpad aussi.

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« On aurait rien parié qu’on aurait tout perdu »

La terre de la ferme est ferme, la famille entoure cet homme ce « géant » qui n’a pas d’épouse, ce « géant » amoureux de ces vaches, des limousines qui ont le malheur de ne pas être pucées, de ne pas avoir la marque de cette traçabilité nécessaire au suivi de la viande.

Les contrôles dénoncent cet « éleveur à risques », ils le poursuivent, le menacent, l’empêchent de vendre : « Je n’y suis pour rien c’est la réglementation ».

« J’ai l’autorité, vous avez la haine. »

Le rapport de force est un rapport de force systémique et politique appuyée par la force armée : gendarmes, militaires veulent agenouiller ce géant qui refuse de se plier aux normes européennes.

L’administration sanitaire veut évacuer et détruire ce calcul rénal qui provoque les coliques néphrétiques d’une chaîne de contrôle ; de sa bienveillance violente et légale elle harcèle l’homme mois après mois.

Deux bêtes meurent. Puis cinq sont noyées dans le ruisseau à cause des gendarmes. Le Paysan commence à disparaître, il se rase la tête, se laisse pousser la barbe, le mouvement tragique se poursuit.

Du monologue partial de la sœur, on apprend la pression économique et uniformisante de la DDPP La Direction Départementale de la Protection des Populations, toute une armée de fonctionnaires qui dépendent de cette police sanitaire.

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« Les petites gens comme nous, ça ne rémunère pas le monde. »

On apprend l’absurde totalitarisme d’une traçabilité qui tue pour protéger, qui veut forcer le paysan à des recherches ADN pour chacune de ses vaches, contrôles dont il n’a évidemment pas les moyens mais qu’il refuse.

« La terre perd toujours face au progrès. »

Ce spectacle est plaidoyer, il est dénonciation, mais ce que j’ai d’abord aimé c’est le récit, le récit pur des faits d’une vie qui suit son cours de manière irréversible éduquée au lycée agricole, une « usine à produire des suicidés ».

Dalie Farah

« NEUF MOUVEMENTS POUR UNE CAVALE »
EN TOURNÉE EN AUVERGNE

Maison de la culture salle Boris-Vian – Clermont-Ferrand

Mercredi 13, jeudi 14, vendredi 15 novembre à 20:30
Samedi 16 novembre à 17:00
Renseignements et réservations : 04 73 29 08 14
ou sur la page du spectacle

Marcolès (15) – Salle polyvalente
Vendredi 22 novembre à 20:30
En coréalisation avec la Communauté de communes de la Châtaigneraie Cantalienne
Renseignements et réservations : 04 71 49 33 30

Brioude (63) – La Halle aux grains
Samedi 23 novembre à 20:45
Renseignements et réservations : 04 71 74 56 14
En coréalisation avec la Ville de Brioude

Intégration: Lysiakrea.com