Miroir, mon beau miroir par Agnès Du Prez
Les beaux jours arrivant, les magazines féminins ne cessent de nous rappeler qu’il nous faut perdre nos kilos superflus pour entrer dans nos jolies robes d’été et ne pas avoir l’air d’une saucisse dans nos bikinis. Plus les années passent et plus les dictats de la minceur et de la beauté m’agacent.
Qui a décidé que pour être belle, il fallait faire un 38 fillette, avoir le ventre plat et le mollet galbé ? Pourquoi si peu de couvertures de magazines rappellent aux hommes qu’il va falloir éliminer la petite brioche hivernale?
Après 2 grossesses et à 41 ans et des poussières, je n’ai plus la silhouette de mes 20 ans. En même temps, à cette époque, je complexais d’être filiforme, de ne pas avoir les rondeurs des copines. Est-on un jour satisfait de ce que l’on a ?
Je pourrais le vivre bien si on ne me rappelait pas que j’étais déjà un peu grosse par rapport à la norme exigée. Il suffit de s’acheter un vêtement en taille 40 pour passer à la taille M. 42 et paf, vous portez du L ! Trop large ! déjà ? Notons que Maryline Monroe s’habillait en 42 et qu’on ne la traitait pas de boudin en son temps…
Pour être bien dans sa tête, ne faudrait-il pas commencer par avoir un regard bienveillant sur son corps et ses petites imperfections? Je n’ai pas envie de rentrer dans une lutte acharnée contre ces 4-5 kilos qui se sont installés suite à ma dernière grossesse. Si je fais du sport, c’est à la condition que ça me fasse du bien. Je refuse de m’imposer des exercices douloureux et quotidiens pour entrer dans la norme, plaire aux autres. Je ne me cache pas dans des vêtements difformes. Mes rondeurs actuelles ne sont pas hideuses, je les assume et c’est tellement plus facile de le vivre ainsi ! ça ne veut pas dire que je me néglige. Toujours féminine, j’aime les fringues, la mode (la mienne), je prends soins de moi, bijoux et maquillage au quotidien.
Je me souviens de mes complexes d’adolescente dus aux moqueries des camarades qui vous rappellent les défauts physiques auxquels vous n’auriez peut-être pas tant prêté attention. Je me disais que quand je serais grande, je me ferais raboter le nez par exemple. Adulte, j’ai refusé de m’imposer un coûteux charcutage juste parce que mon profil ne plaisait pas à quelques cons. Alors, mon nez et moi, on a fait la paix et il ne m’a jamais empêché de plaire. J’ai passé des années à étudier le pif des autres pour me rendre compte qu’on avait tendance à trouver sexy des mecs à grand nez et pas les femmes…Et pourquoi donc? A part Barbara, Carole King et Barbra Streisand, tiens. Elles ne se sont pas fait raboter et ont souvent posé de profil sur leurs pochettes d’album, en mode “je vous emmerde”. ça m’a plu, ça ! ça m’a confortée dans l’idée que ce qu’on assume n’est plus une tare.
Il en va de même aujourd’hui avec mes petites rondeurs post-grossesse. C’est comme ça. Mon corps a changé pour avoir porté 2 gros bébés. Je ne vais pas le punir, le martyriser. Je vais l’entretenir dans le plaisir, bien le nourrir, le crémer et le bichonner. Mais je ne vais pas lui demander de prendre la forme d’une autre.
A l’âge que j’ai, des tas de petits défauts liés à l’âge vont se greffer à mes imperfections existantes. ça ne va pas aller en s’arrangeant, forcément. A moins de me faire raboter et lifter, liposucer, etc…Je ne veux pas de cette lutte acharnée contre la nature.
Je m’imagine vieillir aux côtés de l’homme que j’aime. Ses cheveux blanchiront, je continuerai à colorer les miens, ma seule tricherie. Vais-je cesser de l’aimer quand nous serons deux petits vieux tous fripés? Evidemment que non. L’amour, c’est autre chose que la fascination face à une belle enveloppe. Je ne me suis d’ailleurs jamais arrêtée à l’aspect physique des gens. Insoumise, je n’ai jamais accepté qu’on me dise comment m’habiller, me looker, ni à quoi ressembler.
“I am what I am, and what I am needs no excuses”, comme dit la chanson.
Agnès Du Prez