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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"

Magnifique Chant de Migrants par l’Atelier théâtre du Collège La Charme

Magnifique Chant de Migrants par l’Atelier théâtre du Collège La Charme

C’est la seconde fois que j’assiste à ce spectacle finement mis en scène par Monique Beaujard.

La puissance de ce que j’ai vu tient à la vérité des comédiens, des jeunes gens dont le corps n’a pas encore pris les singeries et les gaucheries de l’âge adulte, des jeunes gens dont la voix se pose en liberté avec des mots qui disent la condition migrante.

A travers des textes de divers auteurs contemporains, l’odyssée migratoire est retracée dans ses rêveries d’ailleurs et dans ses vérités cruelles : pas le choix de partir d’abord. Ulysse choisit de faire la guerre de Troie et son voyage n’est pas un exil, c’est un retour chez soi. Ulysse n’est pas le super migrant, Ulysse a une maison, un royaume, une femme, une terre, un oîkos, un patrimoine qui l’attend même s’il devra passer des épreuves pour le retrouver.

Ce qui est beau et émouvant dans ce spectacle, ce sont moins ces allusions mythologiques que les vérités égrenées ici et là : la perte infinie de quitter un chez soi, la perte irréversible de famille, de liens, la perte absolue d’identité physique, d’histoire, la perte totale de soi dans un long vaste périple sans certitude.

Qui arrive à bon port quand il n’y a pas de port ?

Les parties dansées du spectacle offrent aussi des moments de grâce vraie, je suis émue, bouleversée de ce grand gars dont la beauté des gestes amples ment une traversée qui ne peut être aussi élégante, aussi légère, aussi puissante. Le contraste entre cette beauté dansée et la vérité des corps au fond de la méditerranée est poignante.

La Cimade organise le Festival Migrants scènes pour ça, pour dire la vérité sur les migrations, pour dire la vérité sur ses causes mais aussi pour dire la violence systémique et systématique subie par ces hommes, ces femmes, ces enfants qui ont eu le mauvais goût de ne pas naître dans un pays où ils étaient en sécurité et où ils mangeaient à leur faim.

Les scènes choisies sont pertinentes et osent le politique. Une conseillère en communication coache un président et lui assène : « On ne peut pas recevoir toute la misère du monde. » Je vous propose à la place : « Nous restons sensibles à toute la misère du monde… » On comprend les manipulations démagogiques qui essaiment la parole politique.

Ce que l’on n’aime pas dans le migrant et il faudrait quand même être clair, ce n’est pas son étrangeté, c’est sa pauvreté. Ce que l’on hait, ce que l’on refuse, ce que l’on rejette : c’est le pauvre, le vulnérable, l’être nu qui ne possède rien.

Le racisme existe, je ne le nie pas ; mais ce que j’observe c’est surtout cette détestation du faible. Je n’aime pas bien la question d’une femme du public à la fin de la représentation : elle demande que chacun dise son nom et son pays d’origine. L’assignation peut aussi être une bonne conscience maladroite et dangereuse.

Ces jeunes gens et l’incroyable professeure qui joue avec eux ne sont pas des arguments de « bons étrangers » : ce sont des comédiens qui ont donné à voir un spectacle touchant, ce sont des comédiens qui ont confié leur corps et leur voix à des textes de littérature. Leur patrie a été le littéraire et c’est ça qui a fait la beauté. Ils ne donnent pas de leçon : ils sont drôles, vrais et sincères.

Leur terre d’origine est leur intimité, leur pays est la France, ils sont là, on ne va pas sans cesse leur dire que non, si ?

Exaucé, l’un des comédiens, l’a dit clairement dans son témoignage qui fait partie du texte : « Je suis comme vous. Je voudrais juste ma part du monde. Je suis comme vous. Le pays que j’ai quitté, c’est l’enfance. »

A qui appartient le monde ? Quel bout de monde Exaucé peut-il réclamer sans qu’on lui rappelle sans cesse qu’on lui en fait l’aumône parce qu’il est beau et méritant ?

 Il y a droit. Sans se justifier. Sans être exemplaire. Sans devoir prouver quoi que ce soit de lui. Il est créature vivante de ce monde, il n’y a pas d’autre argument à donner pour qu’il ait des droits.

Migrer n’est pas un songe, c’est un cauchemar, migrer n’est pas une merveilleuse épopée, c’est un chemin caillouteux possiblement mortel et lorsque la terre non-promise affleure sous les pieds, il faudra encore et encore expliquer, justifier un droit : celui de vivre en dignité.

Le spectacle de l’Atelier théâtre du collège connaît ça de près ; la réalité de cette course est connue, et je remercie Monique Beaujard, Stéphane Maltère, Malak Bahyaoui, Sheïma El Khoutabi, Megi Gega, Ali Gholami, Sundus Hideche, Mouhouyi Houmadi, Espérance Kibinda Nkuanga, Richard Kossi Kianzaila, Sophie Provenchère, Qendrim Rahmani, Aïda Sadikaj, Exaucé Tekasala, Raïlaza Troule, Yves Quément de ne pas l’avoir trahie.

Grâce à eux, le public a aussi voyagé en littérature, ça tombe bien, c’est ma patrie à moi-aussi.

Dalie Farah

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CIMADE 63

https://www.facebook.com/LaCimade63/

Comédiens : Malak Bahyaoui, Sheïma El Khoutabi, Megi Gega, Ali Gholami, Sundus Hideche, Mouhouyi Houmadi, Espérance Kibinda Nkuanga, Richard Kossi Kianzaila, Sophie Provenchère, Qendrim Rahmani, Aïda Sadikaj, Exaucé Tekasala, Raïlaza Troule

Conception et mise en scène : Monique Beaujard

Lumières : Yves Quément

Co-animation de l’atelier théâtre : Sophie Provenchère et Stéphane Maltère

Assistants : Aïda Sadikaj et Qendrim Rahmani

Conception de l’affiche et du programme : Stéphane Maltère d’après des dessins de Bertrand Dubois

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Stéphane Maltère et Monique Beaujard

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Textes de Laurent Gaudé, Pierre Kobel, Gaël Faye, Jean-Pierre Siméon, Matéi Visniec, Françoise Glière, Velibor Čolić, Christophe Botti et Homère.

Extraits

Laurent Gaudé : « Nous allons laisser derrière nous la tombe de nos ancêtres. Nous allons laisser notre nom, ce beau nom qui fait que nous sommes ici des gens que l’on respecte. Parce que le  quartier connaît l’histoire de notre famille. »

Gaël Faye    : « Partir n’est pas un choix/Nous fuyons l’incendie/ Pour inventer des commencements et désapprendre le désespoir/Des seigneurs de guerre dépècent l’avenir/Alors nous prenons la route, nos enfants sur le dos/Nos coeurs rivés vers un mirage/Nous sommes des colonnes d’ombres/ Marchant le long des routes et des chemins/Traversant les déserts, les montagnes et les années »

Matéi Visniec

« LE COACH. – « On ne peut pas recevoir toute la misère du monde. » Je vous propose à la place : « Nous restons sensibles à toute la misère du monde… »

LE PRÉSIDENT. – D’accord…

LE COACH. – Le mot « exclu » je le remplacerais par un simple « oui ».

LE PRÉSIDENT. – D’accord…

LE COACH. – « On n’a jamais dit qu’on peut recevoir tout le monde. » Je vous propose à la place : « Nous allons toujours garder les portes ouvertes, mais en fonction de nos possibilités. »

LE PRÉSIDENT. – C’est vague…

LE COACH. – Mais c’est irréprochable.

LE PRÉSIDENT. – D’accord…

LE COACH. – « Notre pays ne peut pas accueillir davantage d’immigrés. » Je vous propose à la place : « On va toujours accueillir des migrants, mais d’une manière contrôlée. »

LE PRÉSIDENT. – Putain !

LE COACH. – Quoi ?

LE PRÉSIDENT. – Vous êtes fort.

LE COACH. – Merci, monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT. – Vous auriez dû faire de la politique.

LE COACH. – Mais c’est justement ce que je fais, monsieur le Président. »

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