Entrez dans le vaste espace blanc et lumineux d’Harmonie Mutuelle place Gaillard, et vous découvrirez l’union insolite de deux univers différents. De belles têtes de bronze qui auraient bien les pieds sur terre, si elles n’étaient le plus souvent que des bustes, croisent des visages suspendus que rien ne retient vers le réel. Un Gavroche aurait pu rencontrer une Cosette mais ils s’ignorent. Drôle de galerie où des portraits de personnages connus suivent votre regard : Cyrano ou d’Artagnan ? Brel, Hendrix, quel Cheyenne ? Qui est cette promeneuse au masque à gaz sous son ombrelle ?

            Le statuaire allie la dureté du bronze lisse à la finesse des traits de ses figures. Le peintre invente des engrenages de noirs et de rouges qui s’enluminent parfois de reflets argentés. Les sculptures apportent l’équilibre des formes qui fixent le mouvement. Les toiles inquiètent les verticales, violentes parfois jusqu’à la brisure ou la folie. Paradoxalement, ce sont de grands paysages urbains fantasmés qui donnent la douceur des ocres, le froid d’une nuit bleue, ou l’éclaboussement de la couleur et de la gaieté avec les cris et les fureurs de la ville. Mais je crois comprendre pourquoi ces deux univers se conjuguent bien : c’est à cause de l’héritage littéraire et musical commun de leurs modèles, et de la justesse, la précision, la patience des mains artisanales qui les ont recréés.

            Chaque mois, Harmonie Mutuelle propose son espace d’exposition à des artistes choisis, qui en échange, offrent une de leurs œuvres. Tous les deux ans, celles-ci sont vendues aux enchères au profit d’une association qui lutte contre les maladies et les handicaps.

Marie Agullo