La beauté de Petrunya est sa laideur en gros plan. La réalisatrice aborde son film par un plan large, en contre-plongée où le corps massif de Petrunya est tassé, limité. C’est l’axe narratif et argumentatif du film : d’où regarde-t-on les gens ? Quel regard rend les femmes insignifiantes ?

La vie de Petrunya est insignifiante et désastreuse dans une Pologne normée : 32 ans, célibataire, elle vit chez sa mère qui la gave de nourriture et se moque de son embonpoint. Dans ce monde de maigres, elle est grosse. Titulaire d’un diplôme universitaire en histoire, elle est au chômage et gravite une vie médiocre dans la petite ville de Stip

. La construction narrative est celle d’une fable sociale contemporaine : le portrait d’une femme et d’hommes tracés à gros traits, une morale humaniste et humoristique dans la journée d’une femme.

Dans cette unité de temps, Petrunya change sa ville, change sa vie, par un geste dont les conséquences vont faire trembler le dogme et la structure de la ville. Lors d’un rituel chrétien orthodoxe, elle se saisit d’une croix qui porte chance, elle s’en saisit brutalement, animale, par hasard et c’est un scandale. C’est un scandale pour les mâles tatoués, un scandale pour la police, un scandale pour le prêtre et tous ceux qui ont construit leur virilité sur un privilège : la soumission des femmes.

Pour Petrunya, c’est un événement, c’est une nouveauté dans la répétition routinière de ses échecs, tout devient beau, même elle. J’aime ce plan qui fait l’affiche, ce plan merveilleux où elle plaque la croix contre sa poitrine opulente, elle est belle de cette beauté inacessible à ceux qui sont devenus aveugles à force d’idéalisation marketing des corps.

Ce film est à voir, c’est militant mais pas grotesque, c’est parfois schématique mais pas ridicule ; les personnages sont attachants malgré la brutalité réaliste des rapports de force.

Dalie Farah