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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"

Bazungu, aux confins du Kivu, de Cécile Desmoulins

Bazungu, aux confins du Kivu de Cécile Desmoulins

J’ai eu la chance de croiser Cécile Desmoulins à la rentrée des auteurs Rhônes-Alpes au mois de mai dernier. Nous avions tout de suite sympathisé. Une femme élégante, douce, et surtout cela m’avait touchée avec un juste regard sur le monde et son travail, un regard politique et social.cécile

Cécile Desmoulins a travaillé durant dix ans pour différentes ONG (Médecins du Monde, CARE, Save the Children), puis pour l’UNICEF.

Son premier roman Bazungu met en voix deux personnages. Un alter de l’auteure, Claudine Valette qui est membre de missions au Kivu (Ex-Zaïre) en 1996, elle s’occupe des enfants isolés.

J’avais entendu parler comme tout le monde des événements de cette région mais je n’en mesurais pas la complexité, ni la réalité, ni l’absurdité, ni la folie furieuse.

Exode, exaction, vengeance, courses, fuites, blessures à la baïonnette, désespérance journalière sont racontées avec minutie dans leur répétition assassine.

Les massacres perpétrés par les uns et les autres s’affirment dans des jeux de pouvoir et de vengeance que les organisations humanitaires doivent ignorer pour sauver tout le monde quitte à laisser parfois dans le même dispensaire des victimes de camps adverses.

Ces victimes sont principalement des femmes et des enfants, mais aussi des hommes qui en charge de famille partent en groupe et finissent par laisser derrière eux les plus faibles.

La survie est une loterie féroce et Bazungu le raconte bien.

 Ce mot «Bazungu » désigne en swahili les étrangers, les Blancs en particulier. 

Le livre suit deux courses : celle de Claudine Valette à la rescousse d’enfants qui parfois finissent par mourir quand ils arrivent au camp, et celle d’un enfant qui fuit avec sa famille qui recoupe deux générations.

Les créatures poursuivies marchent, marchent et c’est sans fin, cette marche insécurisante où la nuit est à la fois protection et menace. Les faibles meurent.

Ce que j’ai aimé c’est l’angle de la « Bazungu » la Blanche qui va sauver les petits Noirs. Très consciente de cette posture politique, Cécile Desmoulins, raconte ave ironie, parfois cynisme les calculs inhumains que ces missionnaires laïques doivent faire. On a accès aussi à leur quotidien : leurs repas complets et arrosés quand ils ne sont pas lancés en mission, et leur quête de nourriture, d’endroits pour se laver quand ils partent.

Certains passages qui concernent le petit garçon sont poignants par leur force symbolique, l’enfant a la foi, l’enfant veut rejoindre sa mère, l’enfant court, l’enfant a faim, horriblement faim.

La force de ce livre est résolument documentaire par la précision et la justesse de ce qui est décrit, pour autant Cécile Desmoulins ne néglige pas la part romanesque. On s’attache aux deux narrateurs, quand Claudine va nager, on est heureux pour elle, quand le petit garçon trouve une pierre qu’il veut offrir à sa mère, on se réjouit pour lui.congoGF-12d81-f57bd

Un roman qui permet d’interroger la manipulation politique et l’impossible définition de ce qu’est une victime et un bourreau depuis l’Occident dans ces conflits où il apparaît avec évidence que les populations civiles ne sont que des pions dans un grand Monopoly aux joueurs puissants et hypocrites.

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