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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"

58 dans un bateau et 58 tombent à l’eau qui c’est qui les a poussés ?

L’histoire fait le tour, le symbole ferait rire s’il ne donnait pas envie de pleurer. 58 personnes qui menaceraient l’intégrité economicosociale des puissances européennes.

A Clermont Ferrand, ils sont de plus en plus nombreux, ils sont là, ils existent, ils sont vivants, ils palpitent de leurs mouvements ordonnés et désordonnés. Ils attendent. Ils écoutent de la musique. Ils cuisinent. Je ne vais pas inventer l’eau chaude.C’est la même rengaine, pas la première, hein ? Pas la dernière non plus, non ? Ils sont assis regardant rien. Ils sont ensemble. Un gamin court en chaussettes tout crasseux d’une terre et d’un chocolat du quatre heures, il tient à la main une barre de fer pour tuer je ne sais quel renégat qui lui aurait pris son pain.

Je suis avec mes enfants, j’apporte ce que mes collègues du lycée Jean Zay ont apporté, anonymement, je ne sais pas vraiment qui a participé. J’apporte couches, denrées, machine à café et tutti quanti et je dis à mes enfants de baisser les yeux : il n’est pas de fierté à donner. Il n’est pas de fierté à dire j’apporte ce que tu n’as pas.

On arrive et là on surprend des bénévoles enthousiastes empêchant untel de prendre, donnant à unetelle. Il manque du pain. Il faut du pain. Peut-être ce soir. Moi quand j’ai faim, j’ouvre mon placard.

Ces créatures-là, digne de tout sont obligées de venir demander et ces autres-là dignes de tout se voient obligées de refuser et pourquoi ?

Parce que la France, l’Europe, le Monde a tellement le ventre plein qu’ils se foutent des ventres vides, parce que finalement le désordre mondialisé ne veut pas être analysé depuis une économie mondialisée très bien ordonnée. Les pauvres sont pauvres et l’on voudrait que cela soit une fatalité pour ne pas interroger la vertu qui voudrait que les richesses continuent de croître dans les mêmes espaces bancaires.

Je suis désespérée parce que j’ai les raisons de la honte et les graines de la colère.

Les gens pissent et chient derrière les bosquets, les femmes ont leur règles, les enfants ne peuvent pas se doucher. Pourtant on ne manque pas de paillettes en ce monde.

Les discriminations sociales touchent ici les plus vulnérables et il y a le Christ qui dit, le Coran qui dit, La république qui dit, les droits de l’homme, les droits de l’enfant qui disent mais non. On n’entend rien.

Je croise un homme pourquoi vous faites des photos. Je veux faire un texte. Pourquoi. Et je parle, je parle. Il finit par me consoler.

  Je recroise la bénévole qui papillonne comme pour un rendez-vous, il y a un problème de pain, je vais chercher du pain, mes enfants m’aident. 20 baguettes, ça fait douze euros chez Lidl. Autant dire que c’est à portée de main le pain. On rapporte tout. Mes enfants sont fiers, non, baissez les yeux, ne soyez pas fiers, remerciez qu’on accepte vos dons. Oui, je suis une mauvaise mère, j’assume.

Mais l’état doit assumer. Bien sûr les clermontois et les thiernois, les auvergnats sont généreux, n’en déplaise l’adage, mais c’est à l’Etat d’agir, d’agir en Etat. On ne lui demande pas l’aumône, on ne lui demande même pas la grandeur, on lui demande le juste.

Dalie Farah.

La pétition à signer https://www.change.org/p/pr%C3%A9fet-du-puy-de-d%C3%B4me-un-toit-c-est-un-droit-solidarit%C3%A9-avec-les-exil%C3%A9-e-s-de-1er-mai

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