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Dalie Farah -"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'histoire"

« Des rêves sans étoiles » un film à voir absolument !

Un regard qui porte sur la société iranienne mais aussi les structures sociales en général.

Des rêves sans étoiles est un documentaire qui pénètre dans les murs d’un centre de rétention pour mineures à Téhéran.

Le titre et le thème pourraient nous enfermer dans un sujet lointain, exotique où nous pourrions depuis notre fauteuil occidental et européen considérer que c’est là encore une question qui ne regarde que les autres.

Pourtant, je voudrais sans trahir l’œil extraordinaire du réalisateur, rendre compte d’un regard qui porte sur la société iranienne mais aussi les structures sociales en général. Ce film est une perle qu’il faut aller voir et soutenir dans sa démarche et dans son écriture.

Au cours de cette année dans ce dortoir aux allures de loft, où un tapis signe le centre de la pièce, tapis qui est le lieu des jeux sorores et des prières, des jeunes filles témoignent à mot et demi, en riant, en pleurant, en criant, de leur destin.

Ce sont des récits de vie poignants, tragiques où les filles sont punies d’être nées dans un milieu où la drogue et la pauvreté décident de leur sort bien plus que la structure religieuse. Pourtant, quand elles volent par nécessité, habitude ou pour se payer leur dose, on les juge mauvaises, essentiellement mauvaises. Le documentaire fait des allées et venues entre leur subjectivité et leurs jeux collectifs, leur vision de l’avenir et leur vie passée.

Le spectateur est protégé d’une immersion voyeuriste et impudique tout en assistant à un quotidien authentique.

Pas de disputes dans cet espace auto-partagé, où les filles craignent plus d’être libérées que de rester. Elles pleurent des mères, elles pleurent des amoureux mais elles ne sont pas nostalgiques d’une vie de larcins et de drogués.

Lucides, mûres, justes, elles n’ont pas besoin d’avoir fait sciences-Po ou Socio pour savoir ce qui tue et pourrit leur milieu. Leur conscience politique pourtant muselée fait honte à la mollesse de la nôtre pourtant si libre.

Le documentaire s’ouvre sur les mains de Khaterey que l’on encre de noir pour couvrir une fiche de ses empreintes digitales. L’angle de l’identité judiciaire pose d’emblée la question essentielle de ce film : il y a la description juridique, celle de la société, de la catégorisation sociale et de l’autre la description de Mehrdad Oskouei qui donne à voir la vie réelle.

La seconde question qui vient d’emblée au spectateur : comment des filles si paisibles, si simples, si jeunes peuvent être emprisonnées. Mehrdad Oskouei accueille leur parole en s’éloignant de l’interrogatoire pour amener à la confession presque lyrique de ces femmes qui ont fixé des mots justes sur leur enfermement et les causes de leur enfermement.

« La société est plus forte que moi. »

Khaterey a fugué. On l’accuse de vagabondage. Dans une séquence sérielle, comme tous les destins tragiques ordinaires, elle a connu le viol puis la rue. Somahey, une plus ancienne qui s’occupe de la distribution des repas, est la main armée d’une famille qui subit les violences d’un père drogué, elle tue pour sauver sa mère et sa sœur. On l’accuse d’homicide.

L’une d’elle se fait appeler « personne » et quand elle revient du tribunal elle lance en riant à la cantonade : « adultère, vol à main armée, prostitution » Une autre répond en riant aussi « c’est bon, n’en dit pas plus ! » Et de mimer ses aveux faussement contrits devant le juge : ses aveux mensongers sont plus crédibles par la justice que la vérité sociale de sa vie. Elle dira dans la confidence et à la caméra : « la société est plus forte que moi. »

Les arrières plan montrent des ours en peluche, des bande dessinées, des jeux, des tricots. L’hiver d’orient amène aussi bonhomme de neige et bataille de boules de neiges ; au printemps, elles jouent au volley-ball. Et elles chantent. Beaucoup.  Elles chantent des romances, des litanies. Elles sont amoureuses comme cette Massoumeh qui se dessine blonde en compagnie d’Hassan l’agneau, son aimé qui ne l’aime pas.

Elles sont une famille recomposée orphelines des bras des mères qu’elles aiment malgré tout.

Certaines, mères depuis leurs quinze ans, n’ont pas revu leur bébé, elles pleurent, certaines n’ont plus de vêtements, elles pleurent, d’autres voudraient rester, elles pleurent. Leur distance et leur besoin de douceur ne sont pas contraires à leur chef d’inculpation, dont elles parlent avec honnêteté. Le besoin d’amour est le leitmotiv de ces vies sacrifiées.

L’image et la narration du réalisateur respectent la pudeur de ces histoires malheureuses en leur donnant aussi leur force vitale : ces jeunes filles toujours survivantes sont joyeuses, fortes. Les unes promettent de tuer leur premier fils, d’autre leur première fille, car elles sont terrorisées à l’idée de prédéterminer leur enfant à être à la fois victime et bourreau.

Le lavabo des premiers plans, recevait l’eau noire de l’encre, les mains n’étaient plus sales. Cette saleté des filles est le malheur premier : en les faisant naître pure, on les condamne à la saleté, car soumises au désir et à la convoitise, elles sont jouissances et sources de revenu, donc nécessairement utilisées. L’une de ces douces filles joyeuses, « 651 » qui a été arrêtée avec 651 g de drogue, sanglote après avoir écouté l’histoire d’une de ses consœurs : « son histoire ressemble à la mienne. »

Il y a une coupable dans tout cela : la famille. « Personne » dit :

 « Si j’étais lui, j’irais filmer nos familles, il faut le voir pour le croire. »

Parce qu’on ne comprend ni ce croit ces histoires dans un pays – un monde- sourd et muet qui se refuse à voir la misère qu’il bâtit plus facilement que des buildings. Katherey, porte les traces de son suicide, elle a voulu s’immoler par le feu car on ne l’a pas crue quand elle a dénoncé son oncle violeur, cet oncle qui « écrit des prières pour les gens. » Elle rêve de « mourir » car elle est « fatiguée de vivre. »

Ces filles croient en Dieu, mais beaucoup ne lui « parlent » plus, elles s’agenouillent avec l’imam pour prier, l’iman à qui elles posent des questions : Pourquoi la vie d’une femme n’a pas la même valeur que celle d’un homme ? Pourquoi la vie d’un enfant n’a pas de valeur ? Et surtout, à l’homme de foi qui ne sait pas répondre, elles demandent, elles dont le destin a été décidé par des adultes : « Quel est mon péché ? »

Elles sont mineures, la plupart seront libérées, elles chantent : « Va et ne reviens jamais, Inch’Allah ! »

Puis, le jour de l’an arrive, certaines dansent et chantent, d’autres arrivent, d’autres encore restent des ombres recroquevillées qui regardent par la fenêtre.

Dalie

La dramatisation sonore de la bande-annonce est sans rapport avec la beauté, la justesse et la finesse du film. C’est un film émouvant, certes, mais qui veut donner aussi à voir la force de survie de ces filles.

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